Betty - Tiffany McDaniel

J’avais beaucoup entendu parler de ce roman et je comprends désormais pourquoi j’ai lu autant d’éloges à son sujet, car effectivement, "Betty" est une petite pépite. Je pense que pour le moment, c’est ma meilleure lecture de 2022, en tout cas, une chose est sûre, c’est la plus poignante et la plus émouvante.

J’avais un peu peur de débuter ce roman parce que j’avais la sensation que ça allait être un roman dense, long et peut-être un peu ennuyeux. Alors, oui, il est assez dense, oui, il est long et demande un certain engagement de lecture, mais je me suis délecté de chaque page. "Betty", c’est un roman qui parle de la vie, d’une famille des États-Unis dans les années 60 principalement. L’histoire prend place à partir de la rencontre des parents jusqu’à une bonne vingtaine d’années plus tard et forcément, c’est donc un roman qui prend parfois un peu son temps, qui va passer en revue moult événements et étapes de la vie de cette famille. On va voir les enfants grandir et surtout, on va voir cette famille traverser de nombreuses difficultés et malheurs.

Attention, "Betty" est un roman très dur, qui aborde des thématiques parfois très difficiles telles que le viol pour ne citer que celle-ci. Bien sûr, le père de famille étant Cherokee et sa femme issue d’une famille chrétienne blanche, l’auteure aborde la question du racisme. Et j’ai trouvé que tout du long, quel que soit le sujet abordé, Tiffany McDaniel l’a fait avec beaucoup de justesse et d’humanité. Les personnages ont totalement pris vie dans mon esprit, j’ai ressenti une foule d’émotions à travers ce qu’ils vivaient, je me suis profondément attaché à certains d’entre eux et je me suis retenu de pleurer comme une madeleine à plusieurs reprises. Il est très rare qu’un roman me donne envie de pleurer, mais là croyez-moi, j’avais l’impression qu’au détour de chaque chapitre, l’auteure pouvait me tordre le cœur. Je repense en particulier à un chapitre avec un réservoir d’eau qui m’a serré la gorge comme jamais.

La plume de Tiffany McDaniel est parfaite et absolument magnifique. À la fois poétique, saisissante et percutante, quand il le faut. C’était beau et à aucun moment, je n’ai eu le sentiment que l’auteure en rajoutait ou voulait se donner un style. Elle a un vrai talent de conteuse. Une conteuse qui raconte la vie des gens lambdas et on sent véritablement que pour ça, elle y a mis du cœur, et même qu’elle y a versé toutes ses tripes.

Oui, par moments, je me suis dit que ce roman était long, mais avec le recul, chaque scène décrite a son utilité et il est important de prendre le temps de savourer ce roman pour en apprécier toute sa beauté et sa justesse. Au travers de cette famille, Tiffany McDaniel présente aussi une photographie de cette époque aux États-Unis et la dimension historique est également intéressante. J’ai adoré Landon, le père de famille. Un personnage tellement bon, humble et touchant que je sais pertinemment qu’il me marquera dans le temps. Et puis au travers de ce personnage, on aborde toute la question de rites et des croyances Cherokee, un rapport aux choses, au vivant et à la terre que j’ai beaucoup aimé, que j’ai trouvé à la fois poétique et extrêmement respectueux.

Mais le personnage principal de ce roman n’est autre que "Betty" forcément, l’une des enfants de la très grande fratrie de cette famille. C’est elle qui raconte cette histoire, à la première personne, un peu à la manière d’une autobiographie et j’ai littéralement bu les paroles de cette jeune fille, j’ai tout vécu ou revécu avec elle. J’ai aussi adoré la sorte de mise en abîme présente dans ce roman puisque cette histoire, c’est un roman écrit par le personnage de Betty. Non vraiment niveau style et construction narrative, c’est un sans-faute. Certains passages m’ont flingué le cœur et d’autres m’ont mise dans une rage pas possible.

En fait, ce roman est truffé de scènes marquantes, mais je crois que l’une des choses qui m’a le plus terrassé, c’est l’attitude de la mère envers Betty et aussi envers ses autres enfants. Une mère devenue aigrie qui reporte sa colère et sa peine sur sa fille. Il y a d’ailleurs une scène entre la mère et la fille, absolument terrible, racontée sous le regard naïf et infantile de Betty que j’ai trouvé incroyable, car dans cette scène, il y a une parfaite opposition de poésie et de désespoir à la fin. Il y a une autre scène absolument horrible avec cette mère et des chats que j’ai eu beaucoup de mal à lire alors attention aux lecteurs sensibles à la maltraitance envers les animaux.

"Betty" c’est une histoire de famille bien évidemment, mais aussi et avant tout une histoire de femmes. Des femmes qui chacune ont eu leur lot de malheur et l’auteure nous raconte finalement la façon dont chacune a choisi d’y faire face, parfois en fuyant, parfois en relevant la tête avec courage, parfois en compensant en se créant un masque semblant à un excès de confiance en soi et parfois en sombrant tout simplement dans une forme de folie. Et puis, je ne m’y attendais pas du tout, mais à la fin, il y a même une petite révélation que personnellement je n’avais pas vu venir et qui apporte une sorte de coup de poing final.

Ce livre est tellement riche que je pourrais en parler pendant des heures, mais la chose la plus utile que je pourrais dire, c’est : découvrez cette histoire parce que c’est une pépite. Un très beau coup de cœur et des personnages qui resteront ancrés dans ma mémoire.