Prendre Gloria - Marie Neuser

Ça y est, j’ai enfin lu le second tome de la duologie Prendre femme de Marie Neuser et ce second tome, "Prendre Gloria", fut pour moi encore plus réussi que le premier. Alors que j’avais trouvé quelques longueurs dans "Prendre Lily", ici je ne me suis pas ennuyée dans ma lecture alors même que je connais très bien ce fait divers et que par conséquent, je n’avais pas de surprise possible. Oui, vers la fin, une cinquantaine de pages en moins ne m’aurait pas dérangé, mais dans l’ensemble, j’ai vraiment beaucoup aimé cette lecture et j’y retournais avec envie.

La construction du roman apporte vraiment un plus. En effet, Marie Neuser a fait le choix d’une sorte de patchwork de points de vue de différents protagonistes de cette affaire et d’allers-retours dans le temps. Et si en théorie cette construction pourrait donner l’impression d’un flou pas toujours maîtrisé ni simple à suivre, en réalité cela fonctionne parfaitement et permet d’avancer dans l’histoire tout en créant une part de tension et de mystère.

En fait le style de Marie Neuser est un savant mélange entre écriture journalistique et plume d’auteur de thriller et c’est particulièrement adapté à ce type de roman tiré d’un fait réel. Plus que tiré d’un fait réel, pour moi l’auteure a fait un vrai travail d’investigation et de vérité parce que connaissant la véritable histoire d’Élisa Clap alias Gloria Prats dans le livre, je sais qu’elle est restée extrêmement proche de l’affaire. En fait la partie fictionnelle concerne les points de vue personnels, les ressentis de certains protagonistes, mais tout ce qui est des faits avancés est véridique.

Marie Neuser a su rendre hommage à la famille Prats, à leur combat pour faire éclater la vérité, à Gloria et a su dresser un portrait juste de Damiano, dans tout ce qu’il peut présenter de détraqué et de débectant. Ce qui est intéressant, c’est qu’au-delà de retracer l’affaire Clap et le fiasco de cette enquête, en filigrane tout du long elle dresse aussi le portrait de l’Italie des années 90 et 2000. Elle fait une critique acerbe, mais juste du pouvoir de la chrétienté dans ce pays, de l’omerta et des cercles presque mafieux qui gangrènent cette société, du système judiciaire qui par conséquent n’a pas la neutralité qu’il se doit d’avoir. Tout au long, elle démontre comment cette histoire de disparition aurait pu être résolue 1000 fois avant la découverte du corps 17 ans plus tard, comment les relations et l’argent dans un pays tel que l’Italie peuvent changer des vies.

J’ai trouvé que Marie Neuser utilisait un ton juste et avait très bien su rythmer ce roman même si je reconnais que sur la fin 40/50 pages de moins ne m’aurait pas dérangé. "Prendre Gloria" est un roman qui peut être lu indépendamment du tome précédent. En fait ce qui est intéressant et qui peut aussi paraître surprenant, c’est que les deux romans se répondent et se complètent parfaitement et pour autant, il n’y a pas forcément d’ordre de lecture et le lecteur peut tout à fait n’en lire qu’un sur les deux sans être gêné.

En résumé, je pense que Marie Neuser est tout à fait crédible dans ce style de roman mi-réaliste mi-fonctionnel, elle le fait bien et sait embarquer le lecteur dans une enquête policière qui pourtant s’est enlisé pendant presque deux décennies. Si j’ai aimé certains de ses romans qui sont de pures fictions, j’ai tout de même le sentiment que ce type de récit est ce qui lui correspond le mieux ou en tout cas celui dans lequel elle excelle le plus. Bien sûr, cette lecture m’a donné envie de continuer à découvrir le reste de la bibliographie de Marie Neuser. Je ne sais pas quel sera le prochain ni quand j’aurais l’occasion de le lire, mais je le ferai avec beaucoup de curiosité et d’envie, c’est certain !