Docteur Sleep - Stephen King

J’avais beaucoup aimé "Shining", mais j’avoue que je n’attendais pas spécialement de suite à cette histoire. Cependant, je reconnais que renouer avec le petit Danny plus si petit que ça, le temps d’un second roman, l’idée n’était pas non plus pour me déplaire. C’est donc sans rien attendre de spécial de cette lecture que je me suis lancée et je dois dire que dans l’ensemble, j’ai vraiment beaucoup aimé.

Alors, non, je le dis tout de suite, pour moi "Docteur sleep" ne fera pas partie des "grands" romans de King et "Shining" est beaucoup plus fort, mais malgré tout, ce fut tout de même une histoire à la fois touchante, noire par moments et angoissante à d’autres avec une bonne touche n’inexplicable. En bref, du pur King comme je l’aime.

"Docteur sleep" est un roman de Stephen King comme il le fait régulièrement, qui prend place sur plusieurs décennies (puisqu’au début, Danny est encore enfant alors qu’ensuite, on le retrouve adulte.) et c’est un procédé que j’aime beaucoup chez lui. Alors oui, le revers de la médaille, c’est que parfois, on pourrait se dire qu’il y a des longueurs alors qu’au final, ces dites longueurs sont on ne peut plus utiles pour créer non seulement l’histoire dans sa globalité, mais aussi la psychologie et le bagage de chaque personnage.

Ce roman a une construction et un rythme très classique chez King, c’est-à-dire une mise en place un peu "lente" avec la présentation des différents protagonistes ou plutôt groupes de protagonistes, puis une entrée dans le vif du sujet avec le développement qui va avec pour terminer sur une fin au rythme bien plus rapide avec des scènes simultanées qui s’entrecroisent. D’ailleurs, comme souvent, dans les romans de Stephen King, les personnages se croisent sans forcément le savoir jusqu’au moment du grand rassemblement final et là encore, c’est quelque chose de classique chez lui.

Sans surprise, ce que j’ai préféré dans "Docteur sleep", c’est vraiment le traitement des personnages, car une fois de plus, ils sont tout sauf manichéens. Les méchants de l’histoire assassinent d’une façon ignoble un enfant et pour autant, l’auteur arrive à nous questionner sur leur condition, sur ce qui les a poussés à faire ça (était-ce un choix délibéré ?) et donc à nuancer le ressenti du lecteur à leur propos. De même, mes sentiments envers Danny ont vraiment évolué au fur et à mesure de ma lecture car au début, en prise avec ses problèmes d’alcool, il m’était très peu sympathique alors qu’au final je l’ai adoré. Enfin, le personnage d’Abra qui aurait très facilement pu être simplement la jeune fille innocente qu’il faut sauver fut tout du long nuancé avec quelques moments où Stephen King nous laisse entr’apercevoir la part de sombre qui sommeille en elle comme en chacun de nous. De plus, il a su créer des liens magnifiques entre certains personnages et notamment entre Danny et Abra. Une relation que je ne suis pas prête d’oublier.

Stephen King aborde bien sûr dans "Docteur sleep" des sujets qu’il a de nombreuses fois traité déjà et qui lui sont chers tels que : la filiation, la transmission du mal, la peur, la mort, la déchéance du corps, … Mais l’une des thématiques les plus importantes de ce roman est bien sûr l’alcoolisme. En effet, Danny devient alcoolique comme l’était son père. On va donc pendant un certain temps suivre sa descente aux enfers, mais aussi sa découverte des Alcooliques Anonymes. On sent que l’auteur sait de quoi il parle parce que tout ce qui est dit à ce propos sonne particulièrement juste. J’ai adoré que ce sujet soit autant traité en profondeur et sans être édulcoré.

Bon par contre vous vous en doutez sûrement, mais je recommande très vivement d’avoir lu "Shining" au préalable, car il y est beaucoup fait mention dans "Docteur sleep" que ce soit pour parler de l’Overlook, du père de Danny ou même tout simplement de ce qui s’est passé dans le roman précédent. Par contre, une fois de plus j’ai trouvé que le travail éditorial était loin d’être parfait. Comme souvent, j’ai trouvé quelques coquilles, mais surtout, je ne remercie pas la traduction française qui dès la première phrase se plante en écrivant John Torrance à la place de Jack Torrance… À moins qu’il s’agisse d’une sorte de diminutif américain pour Jack, mais je n’ai pas souvenir que Jack ai été appelé John dans "Shining".

J’ai donc globalement passé un très bon moment de lecture à la fois touchant et divertissant. Si je devais noter quelques bémols, je dirais que ma lecture fut parfois un peu difficile à cause des dialogues entrecoupés des "projections de dialogues mentaux". En effet, il est beaucoup question dans ce titre de télépathie, et même d’une sorte de projection de l’esprit dans le corps d’un autre ce qui donne lieu à certains passages dans lesquels il est parfois compliqué de comprendre qui dit quoi.

De plus, j’ai trouvé la fin un peu rapide et surtout un poil trop facile et "propre". De plus, certains passages manquaient pour moi de clarté et de cohérence. Je ne comprenais pas toujours ce que l’auteur expliquait par rapport au côté "magique" ou surnaturel et j’ai eu parfois la sensation qu’il ne tenait pas forcément à tout expliquer, mais plutôt à dire au lecteur "T’occupe, c’est comme ça et pas autrement". Cependant, là encore je ne suis pas certaine non plus que ce manque de clarté ne vienne pas de la traduction…

Après donc un départ parfois un peu lent, j’ai tout de même beaucoup aimé "Docteur sleep" et surtout les personnages qu’on y rencontre. De plus, c’est un livre qui m’a donné envie de relire "Shining" ce que je ferai très probablement à l’occasion de la sortie prochaine en poche de la réédition de ce roman, augmenté de 10 % par rapport à la version que j’avais pu lire.