Résumé du livre Je me suis tue - Mathieu Menegaux
Un dîner en ville. Au menu, nourriture bio, affaires et éducation des enfants. Claire s'ennuie et décide de rentrer seule à vélo. Elle ne le sait pas encore mais sa vie vient de basculer. Tour à tour victime puis criminelle, Claire échoue en prison et refuse obstinément de s'expliquer. À la veille de son jugement, elle se décide enfin à sortir de son mutisme…
Critique littéraire de ReadTrip à propos de Je me suis tue - Mathieu Menegaux
Décidément, j’ai l’impression que chaque roman de Mathieu Menegaux est un coup-de-poing. Cet auteur donne vraiment le sentiment de livrer à chaque fois un combat avec sa plume et si l’on peut trouver à redire sur certains points ou ne pas toujours être d’accord selon les valeurs et les opinions de chaque lecteur, on ne peut lui retirer le fait que ses romans sont d’une force incroyable.
Avec "Je me suis tue" il nous livre une fois de plus un récit à la première personne qui nous glisse dans les baskets d’une femme et il le fait si bien qu’on en oublie totalement qu’il est un homme. Et le fait d’être constamment dans la tête de cette femme est tantôt angoissant, tantôt effrayant et tantôt dérangeant, car cette femme c’est une femme lambda qui un soir subit un viol et dont dès lors, la vie entière va sombrer. Même si c’est un récit hyper difficile à lire à bien des égards, j’ai adoré la façon dont l’auteur a abordé ce sujet, sans fard et en décidant de raconter pourquoi (et il peut y avoir mille raisons à cela.) parfois les victimes décident (plus ou moins consciemment) de se taire.
J’ai trouvé "Je me suis tue" tristement réaliste. Je pouvais totalement croire que ce que je lisais était le récit d’une véritable femme faite de chair et d’os. De plus, l’écriture de Mathieu Menegaux qui est très organique, même viscérale par moment, renforce le discours de ce personnage féminin. On vit littéralement avec elle cette expérience traumatique, mais aussi toutes les peurs, les doutes, les questionnements et les réactions qui en découlent même si parfois vu de l’extérieur celles-ci peuvent paraître aberrantes.
Ce livre tente d’expliquer pourquoi parfois certaines victimes se taisent et j’ai aimé que tout du long, et comme à chaque fois dans les titres de Mathieu Menegaux, la psychologie des protagonistes soit complexe et en même temps décortiquée et qu’on se rende compte que rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. J’avoue cependant que la dernière partie qui porte plus sur la justice m’a peut-être un peu moins plut. Bien sûr cette partie a toute son importance mais je la trouvais peut-être un peu trop courue d’avance et donc peu engageante en termes de lecture.
Il y a dans "Je me suis tue" de nombreuses phrases qui renvoient à des chansons et c’est peut-être le seul bémol que je noterai. Non pas que cela fasse tache, mais personnellement, en les lisant, j’avais du coup l’air de la chanson dans la tête et cela me sortait un peu de ma lecture et de son contexte pourtant ultra réaliste. L’autre petit bémol que j’adresserais, ce serait concernant la scène de viol en elle-même. Non pas parce que cette scène était horrible (parce que de toutes façons elle décrit un viol donc il n’aurait pas pu en être autrement) mais parce qu’elle tombe dans le cliché du violeur inconnu qui surgit de l’ombre un soir. Je ne dis pas que ce type de viol n’existe pas, non, mais en réalité, c’est très rare qu’une agression se déroule de cette façon et j’aurais donc aimé que l’auteur choisisse un contexte moins cliché pour là encore renforcer le réalisme de son récit. Parce qu’en l’état, j’avais l’impression de revoir la scène de viol du film "Irréversible" et non pas la scène de viol de Claire, quarantenaire lambda qui voit sa vie brisée sans préambule à cause d’un abjecte inconnu.
La fin, quant à elle, est assez prévisible, mais n’en reste pas moins terrible. Pour rappel, "Je me suis tue" est un primo roman et je me demande pourquoi et comment l’auteur a trouvé l’inspiration d’écrire un premier titre si fort, si juste, si vibrant, si bouleversant, mais également si sombre. Chapeau pour avoir une telle force dans l’écriture, et ce, dès son premier essai.
Ce roman est court, mais largement suffisant non seulement pour démontrer ce qu’il y avait à démontrer, mais aussi parce que plus, cela aurait peut-être été trop pour le lecteur. Il n’y avait pas besoin de s’étaler plus que cela sur la vie de Claire. Comme quoi finalement, en peu de mots on peut tout à fait faire passer des idées et des émotions très fortes. D’ailleurs, des émotions parlons-en. Je suis clairement passée par toute une palette de sentiments allant de la tristesse immense en passant par le dégoût et l’incompréhension et pour aboutir à la profonde compassion. "Je me suis tue" est un livre qui n’est pas parfait, mais qui reste oh combien marquant !
Attention, vous vous en doutez, c’est une histoire dramatique, très triste avec des thématiques hyper difficiles donc lecteurs et lectrices, soyez un minimum armés avant de le lire. Pour ma part, même si ce n’était pas une lecture "agréable" car elle met souvent mal à l’aise et questionne parfois, cela n’en reste pas moins un petit coup de cœur, une lecture prenante qui me marquera sur le long terme et qui confirme une fois de plus le grand talent de Mathieu Menegaux. J’admire cet auteur qui n’a de cesse de s’attaquer frontalement et avec brio à des sujets de société parfois tabous et toujours sous un angle qui mêle paradoxe et psychologie.
Pour ma part, c’est désormais l’un de mes auteurs favoris qui ne m’a encore jamais déçu (même si je ne comprends toujours pas le choix de la fin de son roman "Femmes en colère"). Hâte de lire prochainement "Disparaître" et tous ses titres à paraître par la suite.
NOTA BENE
L’avis de la rédaction est purement personnel et nous ne prétendons en aucun cas que cette critique littéraire soit à prendre comme une vérité absolue. Nous vous invitons donc à laisser votre propre critique dans les commentaires et à noter ce livre afin d’avoir un avis général représentant au mieux la foule des lecteurs.
Ajouter un commentaire