Résumé du livre Sambre, radioscopie d'un fait divers - Alice Géraud
Durant trente ans, dans le nord de la France, des dizaines et des dizaines de femmes sont agressées sexuellement ou violées au petit matin de long de la Sambre. Elles portent plainte. Mais elles ne sont pas toujours crues. Et pendant longtemps, personne ne fait le lien entre ces viols.
En février 2018, "le violeur de la Sambre" est arrêté. C’est un monsieur tout le monde, père de famille et ouvrier apprécié de tous. Comment a-t-il pu commettre autant de crimes, aussi longtemps, sur un si petit territoire, sans jamais être inquiété ? C’est par cette question que la journaliste Alice Géraud débute son enquête. Bien au-delà du fait divers, Sambre raconte la manière dont nos institutions et notre société ont traité les victimes de viols depuis les années 80 jusqu’à l’ère #MeToo. Ce livre change définitivement le regard. Plus les citations de la presse.
Critique littéraire de ReadTrip à propos de Sambre, radioscopie d'un fait divers - Alice Géraud
J’ai refermé ce livre pratiquement en apnée et quelque part totalement abasourdie tant cet ouvrage m’a à la fois captivé, mais aussi a réveillé en moi en sorte de colère. J’ai adoré "Sambre, radioscopie d'un fait divers" même si cela peut apparaître étrange à dire tant le contenu de ce récit fait froid dans le dos. Ce que j'ai tant aimé ce n’est donc pas le parcours criminelle abominable qui y est retracé, mais bien la démarche et la façon de raconter ce cas criminel de l’auteure.
En effet, dès le départ et tout du long, Alice Géraud a pris le parti de raconter les faits en partant toujours des victimes et en mettant avant tout leurs vies avant et après le traumatisme de l’agression qu’elle ont subit. Cette démarche permet également de mettre en lumière comment malheureusement leur parole fut très peu écoutée voire carrément remise en question et ce non seulement dans les années 80/90 (lorsque la police n’était pas du tout formée à recevoir la parole des victimes, mais aussi à cette période où la société été différente et dans laquelle le mouvement Metoo n’avait pas encore remis en question l’omerta autour des violences sexuelles faites aux femmes) mais également beaucoup plus tard, alors que pour autant les moyens et les mentalités avaient normalement évolué.
Alice Géraud ne cache rien des dysfonctionnements qui ont eu lieu dans cette affaire à commencer par les dysfonctionnements de la police. Combien d’agressions auraient pu être évitées si les plaintes avaient été traitées comme il se doit, remontées aux bonnes personnes, avec les bonnes qualifications des faits et s’il n’y avait pas eu autant de problème de communication entre les différents services de police ? C’est totalement fou de se dire qu’un homme, usant toujours du même modus operandi, a pu commettre autant de crime pendant plusieurs décennies sur un si petit territoire sans que personne ne l’ait jamais arrêté avant 2018 ! Quand on retrace toute affaire comme l’a fait l’auteure, cela apparaît juste comme totalement impensable et j’espère au moins que les institutions de police et de justice en ont retiré des leçons et qu’un tel cas ne pourrait se reproduire aujourd’hui.
Au-delà de son travail purement journalistique qui consiste à remonter les faits, Alice Géraud s’est aussi et surtout appliqué à redonner de la voix à ces victimes qu’on a trop souvent passé sous silence. Elle a pris le temps de les rencontrer, de les écouter et de rapporter leurs dires quand ces femmes le désiraient. Dans "Sambre, radioscopie d'un fait divers", elle fait remonter à la surface toute la dimension humaine tapie derrière les faits. On comprend totalement comment chacune de ces femmes fut traumatisée et si le procès a permis pour certaines une forme de reconnaissance et d’apaisement, cela n’effacera jamais le traumatisme.
J’ai eu un peu peur durant ma lecture que ce titre ne raconte que le parcours criminel de Scala et que l’auteure fasse l’impasse sur l’après-arrestation. Il faut le savoir, les 300 premières pages au moins sont consacrées à cette chronologie des crimes et si cela peut paraître long, c’était vraiment nécessaire pour pouvoir donner à chaque victime la place qui lui revient et qu’aucune ne soit lésée comme cela a pu être le cas dans le réel. De plus, cela permet de se rendre compte de l’impunité de l’auteur des faits et comme je le disais, des dysfonctionnements qui ont amené ce criminel sexuel a rester aussi longtemps en liberté.
Mais heureusement, Alice Géraud raconte également comment finalement Scala a pu être arrêté (presque par hasard) ainsi que le déroulé du jugement. Là encore cette partie a réveillé ma colère parce que non seulement, le traitement des victimes fut une fois de plus déplorable à de nombreux niveaux, mais aussi à cause des dires de Scala. Au travers de ses déclarations, on se rend compte à quel point il était fourbe et autocentré. À certains moments, il se poserait presque en victime et d’ailleurs certains l’on très longtemps décrit comme un bon père de famille et un type sympa et intègre absolument insoupçonnable. Cette affaire n’a pas été sans me rappeler bien sûr l’affaire des viols de Mazan, un autre cas totalement improbable et révoltant de violences sexuelles sauf que dans le cas de Mazan, il y avait une victime contre une cinquantaine d’accusés alors que dans celle du violeur de la Sambre, il y avait un accusé pour une cinquantaine de victimes.
Je ne saurais quoi dire de plus concernant "Sambre, radioscopie d'un fait divers" si ce n’est que l’auteure a fait un incroyable travail de journaliste dans lequel elle a su insuffler une part d’humanité non-négligeable et c’est ce qui a permis de donner vie à ce récit si réussi. Le ton est juste, précis et humain. Bien que l’on ressente sa fibre féministe par moment et son envie de porter haut le combat contre les violences faites aux femmes, j’ai trouvé qu’elle avait su ne jamais s’emporter pour autant, et cela donne encore plus de force et de crédit à son travail. Son écriture et sa façon de raconter le fait divers se rapprochent beaucoup, je trouve, de celle d’Élise Costa, une autre chroniqueuse judiciaire qui met en avait l’humain et non le sensationnel.
J’ai également adoré les derniers chapitres qui clôturent parfaitement l’ouvrage et donnent, je trouve, à réfléchir sur la quantité de crimes et délits sexuels commis envers les femmes chaque année. Une fois de plus, si vous vous intéressez aux faits divers, mais que vous recherchez autre chose que l’habituel sensationnel ou mise en avant du criminel alors penchez vous sérieusement sur "Sambre, radioscopie d'un fait divers", car dans le genre, il est assez remarquable. Merci Alice Géraud pour ce formidable travail et c’est avec plaisir que je me pencherai sur d’autres ouvrages d’elle dans le genre.
NOTA BENE
L’avis de la rédaction est purement personnel et nous ne prétendons en aucun cas que cette critique littéraire soit à prendre comme une vérité absolue. Nous vous invitons donc à laisser votre propre critique dans les commentaires et à noter ce livre afin d’avoir un avis général représentant au mieux la foule des lecteurs.
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