Résumé du livre Et j'ai cessé de t'appeler papa - Caroline Darian
Le 2 novembre 2020, Caroline Darian reçoit un appel de la police de Carpentras. Son père est en garde à vue. La saisie de son matériel informatique révèle l’impensable : depuis 2013, il drogue sa femme avant de la livrer, inconsciente, à des hommes, de tous les horizons et sans contrepartie.
Caroline Darian, femme debout, raconte cette déflagration, le périlleux vertige de découvrir qu’une personne aimée, son père, est capable du pire.
Elle alerte aussi sur la soumission chimique, quand l’armoire à pharmacie du foyer se transforme en arme préférée des violeurs...
Une voix forte, exceptionnellement courageuse, qui révèle une autre facette des violences faites aux femmes.
Critique littéraire de ReadTrip à propos de Et j'ai cessé de t'appeler papa - Caroline Darian
Il est toujours difficile de "juger" un témoignage. J’en lis assez peu. Certains m’ont plut, d’autres beaucoup moins pour tout un tas de raisons. Celui-ci néanmoins fait pour moi partie sans aucun doute possible des textes autobiographiques particulièrement réussis et des témoignages qui doivent être lus par le plus grand nombre. J’ai fait le choix de lire ce titre alors même que le procès des viols de Mazan, alias l’affaire Pélicot (dont il est ici question) se tient, car je pensais que cela m’apporterait un éclairage supplémentaire sur ma lecture. Je pense que cela m’a permis d’être encore plus interpelée par ce texte et en empathie avec les victimes, car je pouvais mettre un visage, une attitude, et même des déclarations sur des noms et cela n’a fait que renforcer l’humanité des victimes (surtout concernant la mère de Caroline) et mon empathie envers elles.
"Et j’ai cessé de t’appeler papa", c’est l’histoire d’un fait divers vécu et raconté de l’intérieur, sur la façon dont cela a totalement pulvérisé une famille à la vie, en apparence, on ne peut plus banale. Cette histoire, c’est l’effroi absolu, car elle prouve à tout à chacun que du jour au lendemain, la vie de n’importe qui peut se transformer en cauchemar, que personne n’est à l’abri du pire et que bien souvent, les plus grandes horreurs viennent des personnes proches en qui nous avons placé notre confiance.
J’ai trouvé ce récit d’une justesse et d’une force incroyable. En plus d’être très bien écrit, ce livre permet de totalement déconstruire l’idée préconçue encore trop répandue du violeur inconnu dans une ruelle sombre, car la réalité, c’est que la majorité des viols sont commis par des proches de la victime et bien souvent, dans un contexte familial. Ce témoignage démontre parfaitement le fonctionnement du système d’emprise psychologique (en plus de la soumission chimique). C’est fou de voir comment un homme peut faire preuve d’une telle duplicité et comment il peut cacher sa monstruosité sous des faux airs de père de famille et grand-père aimant.
Je connaissais assez peu la soumission chimique. Comme la plupart des gens, je connaissais surtout l’utilisation par des prédateurs du GHB dans les lieux plutôt festifs, mais j’étais effarée de découvrir que la soumission chimique peut être beaucoup plus insidieuse et souvent utilisée par des proches. Vraiment, j’ai trouvé ce texte glaçant, non seulement de par le récit des faits perpétrés par l’agresseur (ou plutôt les agresseurs) mais aussi par la réalité dépeinte quant à l’assistance (ou plutôt la non-assistance justement) apportée aux victimes, que ce soient les victimes directes ou les victimes collatérales. "Et j’ai cessé de t’appeler papa" dénonce largement les dysfonctionnements et le manque de moyens pour la prise en charge des victimes de crimes sexuels en France (que ce soit une prise en charge physique, psychologique ou judiciaire).
Il parle aussi du parcours incroyablement difficile des victimes, et ce, même après l’arrestation de leur bourreau (quand il y a effectivement arrestation), car le fait que l’agresseur soit arrêté n’est pas la fin du combat, au contraire, ce n’est que le début et on comprend qu’il faut pouvoir être armé et bien entouré pour surmonter une telle épreuve. J’ai trouvé que Caroline Darian avait fait preuve d’intelligence dans la façon d’amener son récit et également d’une forme de pudeur qui n’enlève rien à la force de son témoignage et qui au contraire permet de l’éloigner d’une forme de voyeurisme malsain qui aurait été malvenu. Pas de détails quant aux crimes commis et c’est tant mieux. Oui, bien sûr l’auteure aborde certains faits pour dresser le portrait de l’agresseur et que le lecteur puisse se rendre compte de ce qu’un homme lambda, père de famille sans histoire est capable de commettre malgré les apparences, mais elle a toujours su s’arrêter au strict nécessaire et c’était parfait selon moi.
J’ai trouvé son témoignage fort, courageux et important, car comme elle l’exprime à la fin, il permettra peut-être de faire bouger certaines lignes, d’aider peut-être des victimes qui à l’heure actuelle n’ont même pas conscience d’être victimes et de libérer la parole des personnes qui subissent afin que la honte ne plane plus au-dessus d’eux, mais au-dessus des criminels et des agresseurs. "Et j’ai cessé de t’appeler papa" est un livre court, mais impactant, un témoignage mené de main de maître et écrit avec beaucoup de justesse et je ne peux que recommander à toutes et tous de le lire.
NOTA BENE
L’avis de la rédaction est purement personnel et nous ne prétendons en aucun cas que cette critique littéraire soit à prendre comme une vérité absolue. Nous vous invitons donc à laisser votre propre critique dans les commentaires et à noter ce livre afin d’avoir un avis général représentant au mieux la foule des lecteurs.
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