Résumé du livre Les racines du ciel - Romain Gary
"La viande ! C'était l'aspiration la plus ancienne, la plus réelle, et la plus universelle de l'humanité. Il pensa à Morel et à ses éléphants et sourit amèrement. Pour l'homme blanc, l'éléphant avait été pendant longtemps uniquement de l'ivoire et pour l'homme noir, il était uniquement de la viande, la plus abondante quantité de viande qu'un coup heureux de sagaie empoisonnée pût lui procurer. L'idée de la "beauté" de l'éléphant, de la "noblesse" de l'éléphant, c'était une idée d'homme rassasié..."
Critique littéraire de ReadTrip à propos de Les racines du ciel - Romain Gary
Ma première expérience avec Romain Gary ("La promesse de l’aube") n’avait pas été un franc succès, il faut bien l’avouer. J’avais donc envie de laisser une autre chance à cet auteur et quoi de mieux pour cela que de lire l’un de ses romans pour lequel il a reçu le prix Goncourt. Et je dois dire que "Les racines du ciel" fut dans l’ensemble une réussite même si ce ne sera pas non plus un coup de cœur.
Tout d’abord, j’ai préféré ce livre, car contrairement à "Les racines du ciel" il n’est pas nombriliste (vous me direz, ce coup-ci c’est une pure fiction donc c’est plutôt logique). Dans ce titre, Romain Gary a vraiment mis la force de sa plume au service d’une cause, celle de la sauvegarde des éléphants et plus largement de la sauvegarde de la beauté de la Nature et aussi, de tout ce que l’humain peut avoir comme part d’humanité et en ce sens, c’était très réussi.
J’ai adoré toute la première moitié de ma lecture. J’ai été très vite emportée par cette écriture qu’on sent bouillonnante de rage, de force et d’idéologie. Les personnages s’emportent, s’acharnent pour défendre leurs idées qu’elles soient bonnes ou mauvaises, justes ou non et c’est vraiment un aspect que j’ai adoré. Bien sûr, comme beaucoup de lecteurs, je pense, je suis tombée sous le charme de Morel qui est un personnage, je n’en doute pas une seconde, qui restera à jamais dans ma mémoire de lectrice. C’est l’archétype même du héros et de l’homme bon, qui se donne corps et âme pour les causes qui lui semblent justes et qui donnerait sa vie pour défendre ses idéaux. Et malgré tout, malgré cette espèce d’idée de pureté qui pourrait s’en dégager, Romain Gary a réussi à en faire un personnage qui ne soit pas lisse, ennuyeux ou caricatural, bien au contraire. Morel est ce chevalier des temps modernes doublé d’un Don Quichotte qui se bat contre des moulins à vent juste parce qu’au travers de l’extermination des troupeaux d’éléphants, c’est toute l’inhumanité de l’Homme qui lui saute au visage.
J’ai aussi eu beaucoup de tendresse pour Minna. Une femme malmenée par la vie, elle aussi sans cesse poussée par des intentions pures et que pour autant on peine à croire, car pour beaucoup, il semble impossible qu’une femme, d’autant plus si elle est belle, puisse mener un combat environnemental juste parce que celui-ci lui paraît juste et important, sans arrières pensés ou volonté d’enrichissement personnel.
"Les racines du ciel" m’a parfois semblé assez précurseur parce que ce roman écrit en 1956 abordait déjà de manière frontale des questionnements écologiques et environnementaux qui sont encore au cœur des débats aujourd’hui. Par conte, il faut savoir qu’il y a dans ce roman, une grande part de politique et si cela est intéressant, parce que l’on voit à quel point les manigances politiques n’ont ni frontières ni couleurs, c’est aussi un aspect du récit qui m’a moins plut. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce n’est pas le genre de thématique qui me plaît et que j’ai assez vite eu la sensation qu’à ce sujet on tournait en rond et que l’idée principale pouvait être résumée en une phrase à savoir que quel que soit le bord, chacun avait pour but de se servir de Morel pour servir sa propre cause.
Si vous aimez donc les questions politiques, les questions territoriales et le passé colonialiste de la France ainsi que la décolonisation, alors je pense que ce roman peut vous passionner. Pour ma part, c’est vrai que cela m’a assez vite ennuyé, d’autant que ça ne faisait que mettre à jour à quel point l’Homme est par certains aspects totalement irrécupérable, ce dont malheureusement, j’avais déjà pleinement conscience. Et je vous avoue que tout cela mine un peu le moral.
C’est ainsi qu’à partir de la moitié du roman, mon intérêt de lecture a un peu baissé. J’avais l’impression de stagner, que l’histoire tournait en rond et j’avais hâte de connaître le fin de mot de cette histoire. Le fin mot, je l’ai eu et je l’ai beaucoup aimé. Une fin que je trouve plutôt réussie, cohérente avec le reste de l’histoire et une fin qui souligne l’importance des idéaux, l’importance de croire en ses idées et en ses combats pour convaincre autrui, mais aussi l’importance, pour que ces idées puissent perdurer et aller loin, qu’elles soient portées par des figures fortes auxquelles les gens peuvent se raccrocher. Une fin qui montre aussi l’importance de la détermination et du fait qu’il n’y a pas de grand combat sans petits pas.
"Les racines du ciel" est donc un roman de combat, un roman politique bien sûr, mais aussi et avant tout, une ôde à la Nature, à la beauté du règne animal et un roman qui tient à nous rappeler à nous humains, que notre place est bien moins importante que celle que l’on tente de se donner. C’est un roman engagé et enragé et je comprends mille fois pourquoi il a reçu le Goncourt. Après, je ne pourrai non plus oublier qu’une partie de ce roman m’a ennuyé de par son aspect trop politisé.
Attention aussi, il y a dans ce titre un assez grand nombre de personnages et parfois, j’avais du mal à me souvenir de qui était qui et donc à bien comprendre les scènes que je lisais et les enjeux des échanges entre les différents protagonistes. "Les racines du ciel" est donc un roman complexe et très beau à la fois, dans lequel l’écriture de Romain Gary est assez remarquable. Certaines phrases et réflexions m’ont profondément touchée. C’est donc un titre qui me réconcilie plutôt bien avec l’auteur même si je pense que je l’apprécierai encore plus avec son roman "La vie devant soi", parut sous le pseudonyme Emile Ajar et ayant également reçu le Goncourt, car je l’imagine peut-être moins politique et plus porté sur l’humain.
J’ai donc hâte de le lire et de vous en reparler, mais je pense que ma réconciliation avec ce romancier est en plutôt bonne voie. En tout cas, une chose est certains, c’est que c’est un roman qui questionne et qui amène le lecteur à s’interroger sur sa perception de la nature humaine.
NOTA BENE
L’avis de la rédaction est purement personnel et nous ne prétendons en aucun cas que cette critique littéraire soit à prendre comme une vérité absolue. Nous vous invitons donc à laisser votre propre critique dans les commentaires et à noter ce livre afin d’avoir un avis général représentant au mieux la foule des lecteurs.
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